Ecrite pour trombone, trio à cordes, piano et sons de synthèse joués en direct par un clavier Midi, la pièce fait suite au Partage des eaux (1995), pour grand orchestre. Cette oeuvre, créée à Saint Jacques de Compostelle, est une commande du Centro Galego d'Arte Contemporanea.
Le titre est suggéré par une pièce de bois que l'on ramasse, ramenée au rivage par les flots, et qui révèle des formes inattendues sculptées par les eaux - une sculpture naturelle donc, un objet trouvé.
Le matériau musical provient de l'analyse spectrale des sons marins : vague, houle, ressac, que l'on entend au cours de l'oeuvre.
L'analyse révèle que ces sons de nature chaotique recèlent des structures organisées qui peuvent servir de modèle de construction musicale. Murail approfondit une technique déjà expérimentée dans l'Esprit des dunes (1993-94). Grâce au programme Audiosculpt, le compositeur peut explorer les structures internes du son. Ces données sont ensuite traduites en notation musicale par le logiciel Patchwork. Du point de vue formel, la pièce est composée d'une longue séquence introductive et de sept sections.
Dès le début, l'auditeur est plongé dans un monde sonore mystérieux dans lequel des nappes de sons de synthèse, alternant avec des plages de silence, traduisent un état d'attente.
Les premiers sons de cordes émergent sans que l'oreille puisse distinguer précisément qu'il s'agit de sons d'origine instrumentale. La fusion est parfaite. Cet espace intemporel est ponctué discrètement de sons de vague, coloré par des interventions de sons de synthèse proches du glockenspiel. Le son instrumental des cordes émergeant de la nappe synthétique aboutit à une plongée subite, marquée par l'entrée du piano, dans un monde aquatique sous-marin, figuré par une fréquence très grave. Le trombone, instrument "spectral" par excellence pour sa faculté à renforcer des fondamentales, marque le début de la première section. Ces vagues instrumentales projetées, affirment l'opposition entre un monde statique et un monde en mouvement.
Une fondamentale de mi, relayée entre le trombone et le violoncelle balise la troisième section au cours de laquelle les cordes font entendre des sons saturés produits par une pression extrême de l'archet proche du chevalet alors qu'un motif de cinq notes dans lequel se détachent deux tritons, annonce la quatrième section.
Au centre de la pièce, des contours mélodiques très dessinés confiés à l'alto produisent un effet lyrique remarquable. Murail, par ce motif de figure sur fond, rompt d'une certaine manière avec les grandes trames continues des premières oeuvres. Cet univers poétique et coloré n'est pas sans rappeler certaines pages de l'opus 10 de Webern, ou des Couleurs de la cité céleste de Messiaen. Un nouveau mouvement agité dont les sons électroniques deviennent plus prégnants occupe les cinquième et sixième sections. La pièce se termine sur un dernier déferlement marqué par les fondamentales mi et sib du trombone, comme en miroir de la troisième section.
Partant de la forme d'une vague qui se brise, Murail en déduit l'ensemble de la pièce. Le son est ici observé comme à travers un microscope puissant. Les différents traitements permettent, par étirement, filtrage, transposition, de transmuer le son écrasé de violoncelle en une sonorité de gong ou bien de tirer du son initial l'écriture des sons de "clochettes".
Murail franchit avec Bois flotté une nouvelle étape dans la relation du son instrumental avec le son électronique, tant dans l'analyse des phénomènes sonores que dans sa technique d'écriture.
Thierry Alla
Hervé Bailly-Basin (vidéaste)
Cette œuvre inclut des sons électroniques et une séquense vidéo (optionnelle) projetée en fond de scène.
1 DVD Accord / Una Corda / Universal music,
Treize Couleurs du Soleil Couchant - Bois Flotté - Winter Fragments
Ensemble Les Temps Modernes, Fabrice Pierre (direction)
1 CD Accord,
Treize Couleurs du soleil couchant - Winter fragments - Bois flotté
Ensemble Les Temps Modernes, Fabrice Pierre (direction)